Quel a été l'impact de l'ALENA sur les États-Unis, le Canada et le Mexique ?
L'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a été créé en 1994 pour accroître les échanges entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. L'administration Trump a critiqué l'ALENA en l'accusant de provoquer des déficits commerciaux, la fermeture d'usines et des pertes d'emplois aux États-Unis. Les dirigeants des trois pays ont renégocié et renommé l'accord en USMCA en 2018, qui a inclus de nouvelles dispositions.
Principes de base
L'ALENA est entré en vigueur le 1er janvier 1994, avec pour objectif principal d'éliminer les barrières commerciales entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. Ses dispositions ont été appliquées progressivement sur 15 ans. Cependant, pendant sa campagne, le président américain Donald Trump a vivement critiqué l'ALENA, promettant de renégocier ou de mettre fin à l'accord si nécessaire. Finalement, un nouvel accord connu sous le nom d'Accord États‑Unis‑Mexique‑Canada (USMCA) a été approuvé en 2020 comme version mise à jour de l'ALENA.
La perception de l'ALENA variait selon les personnes. Pour certains, son principal défaut était un manque d'ambition et une intégration régionale plus poussée semblait nécessaire, tandis que Trump et ses partisans le qualifiaient de « pire accord commercial, peut-être jamais ». Cette divergence a soulevé des questions sur les promesses faites, les résultats obtenus et les parties qui ont bénéficié ou souffert de l'accord. Pour comprendre l'histoire complète de l'ALENA, ses acteurs clés et son impact global, un examen approfondi de l'accord est nécessaire.
Zoom sur l'ALENA
L'ALENA, mis en œuvre en 1994 sous l'administration Clinton, visait à renforcer le commerce en Amérique du Nord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique en supprimant les barrières commerciales, taxes et tarifs sur les marchandises échangées entre les trois pays.
L'idée d'un accord commercial remonte à la présidence de Ronald Reagan, qui tint sa promesse de campagne en adoptant le Trade and Tariff Act en 1984. Quatre ans plus tard, Reagan et le Premier ministre canadien signèrent l'Accord de libre-échange Canada‑États‑Unis.
Bien que George H.W. Bush ait négocié initialement l'ALENA, son successeur Bill Clinton poursuivit les discussions pour favoriser le commerce avec le Mexique. Alors que Bush envisageait d'abord un accord bilatéral avec le Mexique, le président Carlos Salinas de Gortari prit position en faveur d'un accord trilatéral impliquant les trois pays. Finalement, en 1992, Bush, Mulroney et Salinas signèrent l'accord, qui entra en vigueur deux ans plus tard après l'arrivée de Clinton à la présidence.
ALENA & l'administration Trump
L'objectif de l'administration Trump était de s'attaquer aux déficits commerciaux, aux fermetures d'usines et aux pertes d'emplois en exigeant des protections plus strictes du travail et de l'environnement au Mexique. Ils ont également cherché à supprimer certains mécanismes de règlement des différends qui posaient problème à certaines industries.
Lors des négociations, des avancées furent réalisées sur plusieurs points, mais des désaccords apparurent sur la mesure du contenu d'origine automobile, avec des inquiétudes sur des impacts potentiels sur le marché. De plus, une affaire portée devant l'OMC par un pays compliqua encore les pourparlers.
Le processus de retrait de l'ALENA était prévu à l'article 2205 du traité, permettant à une partie de se retirer après avoir donné six mois de préavis écrit aux autres. L'accord restait en vigueur pour les parties restantes même si l'une d'elles se retirait.
Réalisations de l'ALENA
L'ALENA a été conçu avec deux objectifs principaux : stimuler le commerce transfrontalier en Amérique du Nord et favoriser la croissance économique pour toutes les parties. Explorons brièvement ces deux aspects cruciaux de l'accord.
Impact de l'ALENA sur le commerce
L'ALENA a atteint son objectif immédiat de promotion du commerce transfrontalier en Amérique du Nord. En réduisant les tarifs et certaines barrières non tarifaires, comme les exigences mexicaines de contenu local, l'accord a facilité une augmentation significative des échanges et des investissements. Notamment, le commerce entre les États-Unis et le Mexique a atteint 3,2 trillions de dollars entre 1993 et 2020, tandis que le commerce entre les États-Unis et le Canada s'est élevé à 7,4 trillions de dollars sur la même période. Bien que les échanges entre le Mexique et le Canada aient fortement augmenté entre 1999 et 2020, ils n'ont totalisé que 594 milliards de dollars. Globalement, on peut attribuer à l'ALENA le fait d'avoir plus que doublé le commerce réel entre ses signataires. Toutefois, l'impact complet de l'accord nécessite une évaluation plus nuancée au-delà de ces résultats initiaux.
PIB par habitant des pays participants
De 1993 au quatrième trimestre 2019, le produit intérieur brut réel par habitant (PIB par habitant) des États-Unis a augmenté de 48 % pour atteindre 57 585 $. Sur la même période, le PIB par habitant du Canada a augmenté de 44 % pour atteindre 45 109 $ (données à partir de 1997), et celui du Mexique a progressé de 26 % pour atteindre 9 819 $.
Fait surprenant, malgré son statut d'économie émergente, la croissance du PIB par habitant du Mexique a été plus lente que celle du Canada et des États-Unis. En situation normale, on s'attendrait à ce qu'une économie émergente croisse plus vite que des économies développées.
Gagnants et perdants de l'ALENA
Est-il exact de considérer le Canada et les États-Unis comme les gagnants de l'ALENA, tandis que le Mexique en ressort perdant ? Pour comprendre ce point de vue, examinons pourquoi la campagne de Trump en 2015 a mis l'accent sur la rivalité économique avec le Mexique.
Avant l'ALENA, la balance commerciale de biens entre les États-Unis et le Mexique favorisait légèrement les États-Unis. Cependant, en 2019, le Mexique a vendu environ 101,4 milliards de dollars de plus aux États-Unis qu'il n'en a acheté de son voisin nordique. L'ALENA est un accord vaste et complexe, et différentes perspectives émergent lorsqu'on évalue son impact sur la croissance économique par rapport aux soldes commerciaux. Si les effets globaux de l'ALENA peuvent être difficiles à discerner, il existe des indications claires de gagnants et de perdants.
ALENA & les États-Unis
Lors de la signature de l'ALENA en 1993, on pensait qu'il pourrait créer des emplois américains et stimuler l'économie. Toutefois, des inquiétudes furent soulevées concernant la délocalisation d'emplois vers le Mexique. La relation entre l'ALENA et les tendances d'emploi globales est complexe, avec des avis divergents sur ses effets. Certains secteurs ont connu des effets commerciaux plus marqués en raison de la suppression des barrières. Bien qu'il y ait eu des déplacements d'emplois dans certaines industries, l'impact sur le marché du travail global est difficile à isoler.
États-Unis : industrie manufacturière et emploi
Après la mise en œuvre de l'ALENA, les États-Unis ont connu une baisse de l'emploi dans le secteur manufacturier, passant de 16,8 millions à 11,5 millions d'emplois en 2009. En juin 2020, au moment de la fin de l'ALENA et de l'entrée en vigueur de l'USMCA, les emplois manufacturiers étaient remontés à 11,99 millions.
Croissance de l'industrie automobile
Initialement, l'industrie automobile a connu une croissance après l'introduction de l'ALENA, l'emploi atteignant un pic d'environ 1,3 million en octobre 2000. Toutefois, les pertes d'emplois se sont intensifiées lors de la crise financière, atteignant un creux de 623 000 en juillet 2009, revenant presque aux niveaux d'avant l'ALENA.
Constructeurs automobiles américains au Mexique
Des éléments anecdotiques suggèrent que certains emplois ont été transférés au Mexique en raison de salaires plus bas, avec de grands constructeurs automobiles américains établissant des usines là-bas. Les constructeurs opèrent aujourd'hui aux États-Unis et au Mexique, les importations américaines en provenance du Mexique contenant 40 % de contenu américain et 25 % pour le Canada, contre 4 % pour la Chine et 2 % pour le Japon.
Impact de l'ALENA sur l'industrie manufacturière américaine
Les économistes attribuent à l'ALENA le renforcement de la compétitivité mondiale de l'industrie manufacturière américaine grâce au développement des chaînes d'approvisionnement. Malgré la perte d'emplois automobiles aux États-Unis, des experts estiment que l'ALENA a évité des conséquences pires. En intégrant les chaînes d'approvisionnement nord-américaines, les constructeurs ont conservé une partie de la production aux États-Unis, évitant une concurrence accrue avec des rivaux asiatiques. Même si l'impact de l'ALENA reste partiellement hypothétique, il a joué un rôle crucial dans la préservation de segments de l'industrie.
Confection textile
La fabrication de vêtements a été gravement affectée par la délocalisation, l'emploi y ayant diminué de près de 88,5 % depuis la signature de l'ALENA. Néanmoins, le Mexique reste une source importante d'importations textiles à l'échelle mondiale.
États-Unis : prix à la consommation et revenus
L'ALENA a eu des effets sur les prix. De 1994 à 2020, l'indice des prix à la consommation a augmenté de 78 %, tandis que les prix de l'habillement ont diminué de 2,1 %. Cependant, il est difficile d'attribuer directement ces changements à l'ALENA. Les personnes à faibles revenus, qui dépendent davantage de biens importés moins chers, seraient les plus pénalisées par un mouvement vers le protectionnisme. Des études suggèrent que couper totalement le commerce pourrait entraîner une perte de revenu de 69 % pour les 10 % les plus pauvres de la population américaine.
États-Unis : impact de l'ALENA sur l'immigration
L'ALENA visait à réduire l'immigration illégale en provenance du Mexique vers les États-Unis, mais le nombre d'immigrants mexicains aux États-Unis a augmenté de manière significative. Au lieu de diminuer, il a plus que doublé pendant certaines périodes, atteignant environ 9,4 millions en 2000. Une des raisons de ce résultat inattendu fut la crise du peso de 1994‑1995, qui provoqua une récession au Mexique.
De plus, la modification des tarifs sur le maïs n'a pas entraîné de cultures plus rentables, et de nombreux agriculteurs ont abandonné l'agriculture. En outre, le gouvernement mexicain n'a pas entièrement investi dans les infrastructures promises, limitant l'impact manufacturier du pacte à la partie nord du pays. Malgré quelques réversals temporaires, la réduction attendue de l'immigration ne s'est pas produite. Le résultat diffère de l'espoir initial quant à l'effet de l'ALENA sur l'immigration.
États-Unis : impact de l'ALENA sur les soldes commerciaux
Les critiques de l'ALENA pointent souvent le solde commercial des États-Unis avec le Mexique, où un déficit important de 62,4 milliards de dollars en commerce de marchandises fut enregistré en 2016, contre un excédent de 1,7 milliard en 1993. Toutefois, la croissance du commerce de marchandises ne peut être attribuée uniquement aux importations. Les exportations réelles vers le Mexique ont triplé de 1993 à 2016, augmentant de 453 %, tandis que les importations ont augmenté de 635 %.
D'autre part, les États-Unis maintiennent un solde positif dans le commerce des services avec le Canada, exportant 56,1 milliards de dollars en 2015 et important 28,7 milliards. Bien que le solde des marchandises soit négatif, avec des importations dépassant les exportations de 22,7 milliards en 2017, l'excédent du commerce des services compense le déficit. Globalement, les États-Unis ont dégagé un excédent commercial total avec le Canada de 2,4 milliards de dollars en 2019. L'ALENA semble avoir amélioré la position commerciale des États-Unis vis‑à‑vis du Canada, même si les deux pays avaient un accord de libre-échange depuis 1988, et que le déficit commercial américain en biens avec le Canada était plus élevé en 1987 qu'en 1993.
États-Unis : impact économique de l'ALENA
L'ALENA a eu un impact global minime sur l'économie, selon des rapports du Congressional Budget Office en 2003 et du CRS en 2017. Bien qu'il ait légèrement augmenté le PIB annuel des États-Unis, l'effet était négligeable, représentant seulement quelques milliards de dollars ou une infime fraction d'un pour cent.
Le problème avec l'ALENA réside dans la répartition des bénéfices et des coûts. Bien que l'économie dans son ensemble ait connu quelques améliorations, certains secteurs et certaines communautés ont subi des perturbations importantes. Par exemple, lorsqu'une filature textile ferma, des centaines d'emplois furent perdus dans une ville du Sud‑Est, tandis que les consommateurs bénéficiaient de vêtements légèrement moins chers. Le gain économique peut être plus visible à une échelle macro, mais il est à peine ressenti par les individus. De même, si la perte économique globale peut sembler relativement faible dans l'ensemble, elle peut être dévastatrice pour ceux qui en sont directement touchés.
ALENA & le Mexique
En 1994, l'ALENA a suscité de l'espoir chez les optimistes au Mexique. Il a étendu l'Accord de libre‑échange Canada‑États‑Unis de 1988, devenant le premier à relier une économie de marché émergente à des économies développées. Le Mexique a adopté des réformes importantes, s'éloignant des politiques économiques d'un système à parti unique pour embrasser les principes du marché libre. Les partisans pensaient que l'intégration de l'économie du pays avec ses voisins plus riches au nord consoliderait ces réformes, favoriserait la croissance économique et finirait par réduire l'écart de niveau de vie entre les trois économies.
Mexique : impact de l'ALENA sur l'économie
Immédiatement après la mise en œuvre de l'ALENA, le Mexique a connu une crise monétaire, faisant chuter son PIB en monnaie locale de 9,5 % entre 1994 et 1995. Malgré l'attente du président Salinas d'une baisse de l'émigration vers les États‑Unis, celle‑ci s'est en fait accélérée. La suppression des tarifs sur le maïs a également contribué à l'exode, l'emploi dans les exploitations familiales agricoles ayant chuté de 58 %, entraînant une perte nette de 1,9 million d'emplois.
Selon le Center for Economic and Policy Research (CEPR), le taux de croissance du Mexique entre 1994 et 2013 a été en moyenne de seulement 0,9 % par an, le plaçant au 18e rang sur 20 pays d'Amérique latine. Le CEPR soutient que si le Mexique avait maintenu son taux de croissance de 1960 à 1980, il aurait pu atteindre un niveau de production par habitant similaire à celui du Portugal. Cependant, ce ne fut pas le cas, et le taux de pauvreté du pays est resté quasiment inchangé entre 1994 et 2012.
Mexique : réformes économiques et changements politiques
L'ALENA semble avoir ancré certaines réformes économiques du Mexique, le pays s'étant abstenu de nationaliser des industries ou d'engendrer des déficits fiscaux massifs après la récession de 1994‑1995. Toutefois, ces changements économiques ne furent pas immédiatement accompagnés de différences politiques marquées. Jorge Castañeda, ancien ministre des Affaires étrangères du Mexique sous l'administration de Vicente Fox Quesada, a affirmé que l'ALENA avait apporté un soutien crucial au Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), qui était au pouvoir depuis 1929 jusqu'à ce que Vicente Fox, membre du Parti action nationale, rompe la série du PRI en devenant président en 2000.
Mexique : industrie manufacturière et emploi
L'ALENA a apporté des changements positifs au Mexique. Il a transformé le pays en un important pôle de production automobile, attirant des entreprises comme General Motors, Fiat Chrysler, Nissan, Volkswagen, Ford, Honda, Toyota et d'autres. Cela a été possible grâce à l'augmentation significative des investissements directs étrangers (IDE) américains au Mexique depuis 1993.
Toutefois, les IDE globaux du Mexique provenant de toutes les sources restent inférieurs à ceux de certaines autres économies latino‑américaines. L'industrie automobile, en tête, a aidé le Mexique à réaliser un excédent commercial en biens de 101,4 milliards de dollars avec les États‑Unis en 2019, une amélioration notable par rapport au déficit avant l'ALENA. Cette croissance a également contribué à l'émergence d'une classe moyenne bien éduquée. En 2013, le Mexique comptait environ 4,9 diplômés en ingénierie pour 1 000 habitants, contre 3,6 aux États‑Unis, et en 2022, les étudiants mexicains en ingénierie représentaient 20 % de tous les diplômés en ingénierie dans le monde.
Mexique : critiques économiques de l'ALENA
En 2013, Castañeda souligna que l'augmentation des importations mexicaines en provenance des États‑Unis avait conduit à des prix plus bas des biens de consommation, contribuant à une amélioration générale du niveau de vie. Malgré cet effet positif, il conclut que l'ALENA n'avait pas rempli la plupart de ses promesses économiques. Castañeda proposa un accord plus vaste couvrant l'énergie, la migration, la sécurité et l'éducation, imaginant « plus d'ALENA, pas moins ». Cependant, la probabilité d'une telle extension reste incertaine aujourd'hui.
ALENA & le Canada
Contrairement au Mexique, le Canada a connu une augmentation plus modeste du commerce avec les États‑Unis grâce à l'ALENA. Bien qu'il maintienne un léger excédent commercial avec les États‑Unis, il a été dépassé par la Chine en tant que principal fournisseur des États‑Unis en 2007, puis par le Mexique, devenu deuxième en 2015. Bien que le Canada vende plus de biens aux États‑Unis qu'il n'en achète, ce qui a entraîné un déficit de 26,8 milliards de dollars en 2019, un excédent significatif du commerce des services de 29,32 milliards permet d'équilibrer la situation.
Canada : impact de l'ALENA sur les IDE et le PIB
Le Canada a bénéficié d'une augmentation réelle de 404 % des IDE en provenance des États‑Unis entre 1993 et 2013, et sa croissance réelle du PIB par habitant a dépassé celle des États‑Unis de 1993 à 2015. À l'instar des États‑Unis et du Mexique, l'ALENA n'a pas pleinement tenu les promesses extravagantes de ses partisans canadiens ni les pires craintes de ses opposants. Toutefois, l'industrie automobile canadienne a exprimé des inquiétudes quant à la perte d'emplois au profit du Mexique en raison des salaires plus bas. Par exemple, lorsque General Motors a transféré 625 emplois d'une usine ontarienne vers le Mexique en janvier, Unifor, le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, l'a attribué à l'ALENA. Jim Stanford, économiste représentant le syndicat, a qualifié cela de « catastrophe manufacturière dans le pays » en 2013.
Canada : exportations de pétrole
Les partisans de l'ALENA mettent souvent en avant l'augmentation des exportations de pétrole du Canada comme un résultat positif. En 1993, les États‑Unis importaient pour 37,8 milliards de dollars de pétrole brut, dont 18,4 % provenaient d'Arabie saoudite et 13,2 % du Canada. En 2015, les ventes de pétrole brut du Canada aux États‑Unis avaient notablement augmenté pour atteindre 49,8 milliards de dollars, représentant 41 % des importations totales de brut des États‑Unis. Durant cette période, les ventes de pétrole canadien aux États‑Unis ont connu une croissance impressionnante de 527 %, consolidant la place du Canada comme principal fournisseur de brut des États‑Unis depuis 2006.
Cependant, il convient de noter que le Canada vendait déjà 99 % ou plus de ses exportations totales de pétrole aux États‑Unis bien avant l'accord de libre‑échange de 1988. En d'autres termes, l'ALENA n'a pas réellement ouvert de manière significative le marché américain au brut canadien ; les Canadiens produisaient simplement davantage. L'ALENA a eu un impact mitigé sur l'économie canadienne. Bien que certains craignaient que le Canada ne devienne une sorte de 51e État glorifié, ce scénario ne s'est pas réalisé. D'un autre côté, le Canada n'a pas non plus comblé l'écart de productivité avec les États‑Unis. Malgré les changements induits par l'ALENA, la transformation n'a pas été aussi spectaculaire que prévu.
Les changements économiques mondiaux liés à l'ALENA
Évaluer l'impact de l'ALENA est difficile en raison de la complexité d'isoler ses effets d'autres facteurs. Pendant la période où l'ALENA était en vigueur, la Chine a connu une montée rapide pour devenir le premier exportateur mondial et la deuxième économie. En 1993, les États‑Unis n'importaient que 5,8 % de leurs biens de Chine, mais en 2015 ce chiffre avait grimpé à 21 %.
Des chercheurs comme Hanson, David Autor et David Dorn ont constaté que l'augmentation de la concurrence des importations, en particulier depuis la Chine entre 1990 et 2007, a contribué à une baisse significative de l'emploi manufacturier américain, expliquant un quart du déclin global. Bien qu'ils reconnaissent que le Mexique et d'autres pays ont pu influencer les résultats du marché du travail américain, l'accent principal reste sur la Chine. Il est important de noter que la Chine ne fait pas partie de l'ALENA malgré son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001.
De plus, la part du Japon dans les importations américaines est passée de 19 % en 1993 à 6 % en 2015, bien que le Japon ne soit pas non plus participant à l'ALENA. Ces facteurs mettent en lumière la difficulté de mesurer précisément l'impact de l'ALENA au milieu de changements économiques mondiaux plus larges.
Autres facteurs
Questions non liées
L'ALENA est souvent injustement blâmé pour divers problèmes qui peuvent ne pas lui être directement liés. Par exemple, un rapport de 1999 évoquait l'effondrement potentiel d'une ville d'Arkansas en le reliant à la perte d'emplois au profit de pays comme le Sri Lanka et le Honduras. Toutefois, il est important de noter que le Sri Lanka et le Honduras ne font pas partie de l'accord.
Évaluer les effets de l'ALENA
Bien que l'ALENA ait lancé une nouvelle génération d'accords commerciaux à l'échelle mondiale, évaluer ses effets spécifiques est compliqué en raison des progrès technologiques rapides. Au fil des ans, la production manufacturière réelle des États‑Unis a augmenté de 30 % entre 1993 et 2016, malgré la baisse de l'emploi, largement influencée par l'automatisation.
Économie nord‑américaine
Plusieurs événements importants sans lien direct avec l'ALENA ont grandement influencé l'économie nord‑américaine, notamment l'éclatement de la bulle technologique, les attentats du 11 septembre entraînant un durcissement des contrôles aux frontières, et la crise financière de 2008.
Abandonner l'ALENA
Bien que l'ALENA ait pu affecter certains secteurs, sa suppression potentielle est probablement influencée par des facteurs tels que l'automatisation, la montée de la Chine et les conséquences de ces grands événements plutôt que par ses seuls mérites ou défauts.
Avantages et inconvénients de l'ALENA
Avantages | Inconvénients |
Prix réduits sur divers biens de consommation, y compris l'alimentation et le carburant. | Perte de nombreux emplois manufacturiers aux États‑Unis. |
Création d'emplois dans certains secteurs axés sur l'exportation. | Déplacement des travailleurs sans diplôme universitaire vers des emplois délocalisés au Mexique. |
Mise en place de zones de production régionales plus efficaces capables de concurrencer à l'international. | Concurrence difficile pour les petits agriculteurs et entrepreneurs au Mexique. |
Amélioration possible des relations diplomatiques via davantage de rencontres et de planification stratégique entre dirigeants. | Pressions sur les salaires et les prix aux États‑Unis avec la relocalisation d'emplois vers des alternatives moins coûteuses. |
USMCA : un nouvel accord commercial pour l'Amérique du Nord
En 2018, les États‑Unis, le Mexique et le Canada ont remplacé leur précédent accord, l'ALENA, par l'Accord États‑Unis‑Mexique‑Canada, également appelé USMCA ou ALENA 2.0. L'USMCA a été ratifié par les trois pays en 2020. Parmi les dispositions notables figurent un meilleur accès des agriculteurs américains au marché laitier canadien, l'exigence pour les voitures d'avoir une part importante de leurs pièces fabriquées en Amérique du Nord pour bénéficier d'une exonération tarifaire, et une extension des durées de protection du droit d'auteur. L'USMCA expirera après 16 ans, avec un examen tous les six ans pour déterminer s'il faut le prolonger. Cet accord commercial vise à favoriser la coopération économique et la croissance entre les trois nations.
Conclusion
L'impact de l'ALENA sur les pays participants s'est avéré difficile à mesurer. Certains le considèrent comme un succès, les États‑Unis, le Mexique et le Canada ayant connu une augmentation des échanges et des flux financiers. Cependant, l'ALENA a également été critiqué pour avoir contribué à la hausse du chômage aux États‑Unis en raison de la disparition d'emplois manufacturiers, poussant des travailleurs vers des postes moins bien rémunérés et moins sécurisés. Le jugement final sur le succès ou l'échec de l'ALENA dépendra de la manière dont les citoyens et les législateurs des pays participants examineront et traiteront ses lacunes dans les années à venir.